Il ne suffit pas d’affirmer que ses méthodes sont variées pour organiser la participation citoyenne concrètement. Encore faut-il entrer dans le détail de cette diversité pour fournir des outils concrets à ceux qui souhaitent organiser la participation citoyenne. Inspiré par l’étude de l’OCDE « Participation citoyenne innovante et nouvelles institutions démocratiques » (juin 2020), voici 12 exemples de dispositifs innovants.
Les méthodes pour organiser la participation citoyenne présentées ci-dessous proviennent d’une classification réalisée par les chercheurs de l’OCDE [1] Claudia Chwalisz, Ieva Cesnulaityte et Mauricio Mejia. Cette classification synthétise en 12 catégories près de 300 exemples [2] de dispositifs délibératifs représentatifs. L’étude reprend les expériences conduites dans 23 pays entre 1982 et 2019. Les dénominations utilisées ci-dessous peuvent cependant être utilisées dans d’autres références pour désigner des dispositifs différents. Par exemple, le « dialogue citoyen » peut parfois désigner un processus différent du dispositif décrit ci-dessous. Cette classification est donc une proposition de dénomination, et constitue un premier pas vers un vocabulaire commun international.
Voici les 12 dispositifs détaillés ci-dessous :
1. Assemblée de citoyens – Organiser la participation citoyenne avec ambition
L’assemblée de citoyens désigne le plus ambitieux dispositif de cet article. Son utilisation est particulièrement pertinente pour résoudre des problèmes larges nécessitant des réponses très précises. Dans cette catégorie, on retrouve notamment les deux conférences citoyennes irlandaises [3], en 2013 sur le mariage homosexuel et en 2018 sur l’avortement, ainsi que l’exercice français de la Convention citoyenne sur le climat [4] en 2019. Dans chaque cas, l’assemblée de citoyens a permis de résoudre ou faire fortement avancer les réflexions sur un problème national.
L’assemblée de citoyens fait intervenir un nombre important de participants, 90 citoyens sont tirés au sort en moyenne, et sur un temps particulièrement long de près d’un an en moyenne. Les ressources affectées sont également très importantes : sur les 6 assemblées de citoyens étudiées en 2020 par l’OCDE, le budget alloué était de 1.8 millions € en moyenne.

Le processus se décompose généralement en plusieurs phases : les citoyens se constituent tout d’abord une expertise sur le sujet, avant d’engager une discussion alimentée par une expertise extérieure pour produire une décision sur des recommandations détaillées. Ces propositions sont ensuite transmises aux autorités, et peuvent dans certains cas être suivies d’un référendum de d’adoption.
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2. Les panels de citoyens – l’organisation de participation citoyenne la plus utilisée
Le panel de citoyens, ou jury de citoyens, se fonde sur le modèle de l’assemblée de citoyens, à une échelle réduite. Ce procédé est particulièrement adapté à des problèmes plus précis appelant des recommandations collectives. Les thèmes abordés sont généralement les infrastructures, la santé, la planification urbaine et l’environnement.
Ces dispositifs rassemblent en moyenne 34 citoyens sur une période de 5 semaines en moyenne. On peut également trouver dans certains pays des dispositifs beaucoup plus longs, étalés sur plusieurs années, avec des fréquences de réunions plus faibles. Le budget alloué est en moyenne de près de 70 000 €.

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3. La conférence de consensus
La conférence de consensus a vu le jour au Danemark, notamment modélisé et utilisé par le Danish Board of Technology. Son objectif premier est de proposer un ensemble d’éléments consensuels sur un sujet émergent. Voici quelques exemples de questions mises en débat : le télétravail (1997), les OGM (1999), la surveillance électronique (2000), la neurologie (2005), le dépistage du cancer du sein (2016, en France). A l’origine, la conférence de consensus est pensée comme canalisateur des tensions liées à l’apparition d’une rupture technologique.
Le dispositif rassemble en moyenne 16 citoyens, tirés au sort et aux profils diversifiés, généralement sur quelques jours consécutifs autour d’un week-end. Les participants sont d’abord invités à se constituer une première opinion sans être confrontés à des experts, et rassemblent les questions qui leur paraissent pertinentes. Dans un deuxième temps, les participants auditionnent des experts et des décideurs politiques avant de procéder à une délibération.

La particularité de ce dispositif est qu’il force les citoyens à ne retenir que les éléments tout à fait consensuels. Le rapport fait de plus l’objet d’une discussion entre les citoyens, les experts et les décideurs afin de favoriser l’acceptation et la diffusion du travail des citoyens.
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4. Cellule de planification
La cellule de planification est un dispositif de participation citoyenne permettant de répondre à des problèmes facilement décomposables en sous-thèmes. De cette manière, l’effort de réflexion se répartie entre plusieurs petits groupes indépendants. Ces petits groupes, appelés cellules, forment un réseau de réflexion ensuite mis en commun dans un rapport final. Ce dispositif se prête particulièrement à la réflexion stratégique d’un plan urbain, décomposable en sous-quartiers.
A la différence des précédents exercices de participation, celui-ci ne comporte pas nécessairement de modération, ce qui rends la cellule de planification beaucoup moins coûteuse. Elles sont enfin particulièrement utilisées en Allemagne, où l’on compte 46 exercices de ce type.

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5. Le G1000 – La plus représentative des méthodes de participation citoyenne
Le G1000 est également un exercice très ambitieux : sa particularité est de rassembler un nombre très important de participants, jusqu’à 1000 personnes. Il tire son origine du G1000 en Belgique, mais a été réinventé au Pays-Bas dans la forme que nous décrivons ci-dessous.
Entre 150 et 1000 personnes, dont 25% de fonctionnaires et élus, se rassemblent sans agenda prédéfini pour répondre à la question posée. Au fur et à mesure des discussions, plusieurs idées émergent et participent à construire une vision commune. La réflexion est ensuite divisée en groupes, les idées sont confrontées en interne ainsi qu’à l’extérieure de la structure. L’objectif est d’entraîner la plus grande partie de la population dans la réflexion. Enfin, les idées finales sont rassemblées dans une « décision des citoyens » qui fait l’objet d’un vote d’approbation.

Pour plus d’information sur l’organisation des G1000, l’organisation G1000 des Pays-Bas proposent un certain nombre de formations à cette adresse [5]. Vous pouvez également vous adresser à M. Harm van Dijk [6], spécialiste du sujet au Pays-Bas.
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6. Conseil de citoyens
Le conseil de citoyens est un dispositif de participation très adaptable. Les seules contraintes en sont la séparation classique en deux phases, et la mise en débat des solutions autour d’un public plus large lors d’un café citoyen.
Composé de 15 citoyens en moyenne, le conseil des citoyens a pour particularité de comporter une facilitation très dynamique, c’est-à-dire capable d’évoluer au cours du dispositif pour s’adapter à la demande des citoyens. Il se déroule sur deux jours consécutifs en moyenne.

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7. Le dialogue de citoyens – La moins contraignantes des méthodes de participation
Le dialogue de citoyens est un dispositif moins exigeant que les précédents exemples. Sa portée délibérative est plus faible et vise souvent à informer les citoyens, à récolter leurs réactions et d’autres grandes orientations générales. Son format est très variable : le dialogue de citoyens se retrouve dans beaucoup de pays et avec un nombre de citoyens variant de 18 à 499 participants.

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8. Sondage délibératif
Développé à la fin des années 1980 aux Etats-Unis, le terme de « sondage délibératif » rassemble sous un même nom des dispositifs dont le principe est souvent le même. L’idée commune à ces exercices est de sélectionner des participants, 148 en moyenne sur les sondages commandées par une autorité publique, et de mesurer les évolutions de leurs opinions après une délibération sur un sujet.
Les participants répondent donc à un questionnaire d’entrée, puis sont placés dans les conditions d’une délibération sur le sujet. Enfin, les citoyens sont de nouveau interrogés en sortie du dispositif. On peut alors mesurer l’évolution de leur opinion sur la question posée.
Les recommandations ainsi produites sont portées par des citoyens dont la connaissance du sujet est scientifiquement mesurable. Cette dernière possibilité donne une force importante à leur propos. Le défaut de ce dispositif est cependant sa rigidité, du fait de la rigueur scientifique de la mesure de l’opinion.

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9. Consultation citoyenne mondiale
La consultation citoyenne mondiale vise à organiser une délibération simultanée dans différents pays. Elle a notamment été mise en place dans le cadre de négociation à l’ONU, à la COP15 par exemple. Elle propose un modèle de délibération peu coûteux et facile à mettre en place à l’international.
La consultation citoyenne mondiale rassemble en moyenne 100 participants par pays, répartis en petits groupes dans 34 pays en 2012, et 97 en 2015. Organisé sur une seule journée, cet exercice ne permet cependant pas de creuser les sujets en profondeur. Il n’inclut pas non plus de débat entre citoyens de différents pays : les seules discussions véritablement « internationales » se faisant entre représentants, à l’ONU par exemple.

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10. Examen d’un référendum d’initiative citoyenne – l’évaluation par la participation citoyenne
A la différence des modèles précédents, ce modèle de participation citoyenne a pour vocation de produire une évaluation citoyenne d’une mesure soumise au vote des citoyens. Le dispositif s’étend sur quelques jours consécutifs, et se décompose en plusieurs phases, en commençant par une phase d’apprentissage.

Le groupe de participants, composé de 22 citoyens en moyenne, fournit alors une série d’arguments en faveur et en défaveur du sujet afin d’informer les autres citoyens en amont du vote référendaire. Ce modèle a notamment été utilisé par l’Etat de l’Oregon (Healthy Democracy, Ned Cosby, Pat Benn), dans le cas de la mise en place d’une taxe sur les sociétés en 2015 [7] par exemple.
Ce modèle permet alors d’éviter un vote plébiscitaire sur le référendum, ce qui était notamment la crainte des citoyens lors de la Convention citoyenne sur le climat [8]. La régularité de l’organisation de référendums, comme en Suisse [9], est un autre moyen de pallier un vote plébiscitaire.
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11. Modèle de l’Ostbelgien – Institutionnaliser la participation citoyenne
Le modèle de l’Ostbelgien [10] est un dispositif délibératif permanent mis en place en 2019 dans une région à l’Est de la Belgique. Cette région a décidé d’organiser la participation citoyenne d’une manière inédite en donnant un pouvoir à des citoyens tirés au sort de proposition de réformes au Parlement régional. Ce dernier est ensuite juridiquement contraint à l’examen de ces propositions. Des citoyens tirés au sort disposent donc en quelque sorte d’un pouvoir de saisine du Parlement sur des sujets de leur choix.
Le modèle de l’Ostbelgien permet à un conseil de citoyens de déclencher des dispositifs délibératifs citoyens sur des sujets variés. Ce conseil de 24 citoyens décide ainsi librement des sujets sur lesquels il organise une délibération. Cette délibération prend généralement la forme d’un panel de citoyens. En 2020, le conseil de citoyens a par exemple déclenché une délibération sur l’amélioration des conditions de travail des personnels de santé.

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12. L’observatoire de la ville – La participation citoyenne à Madrid
L’observatoire de la ville est un dispositif également permanent mis en place en 2019 dans la ville de Madrid en Espagne. Celui-ci est composé de 49 citoyens sélectionnés aléatoirement de manière représentative. Cet observatoire a pour compétence très spéciale de pouvoir soumettre des propositions citoyennes à un référendum local.
Ce dispositif a cependant récemment été remis en cause et n’aura été instauré que pendant deux ans sous sa forme décrite ci-dessous.

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Références
[1] Rapport de l’OCDE sur la participation citoyenne innovante et les nouvelles institutions démocratiques (juin 2020) : https://www.oecd.org/gov/innovative-citizen-participation-and-new-democratic-institutions-339306da-en.htm
[2] Base de données d’exemples réunis par l’OCDE en juin 2020 : https://airtable.com/shrRYPpTSs9NskHbv/tblfOHuQuKuOpPnHh
[3] Article à venir – Les assemblées citoyennes d’Irlande
[4] [8] La convention citoyenne sur le climat, une expérience populaire remarquable : https://citoyensdedemain.org/la-convention-citoyenne-pour-le-climat
[5] L’académie G1000 propose différentes formations en ligne sur la participation citoyenne de la forme G1000 : https://g1000.nu/g1000academy/
[6] Profil de M. Harm Van Dijk, spécialiste des G1000 aux Pays-Bas : https://www.linkedin.com/in/harmvandijk-transitie/?originalSubdomain=nl
[7] Exemple d’un référendum d’initiative citoyenne dans l’Orégon en 2016 : https://sites.psu.edu/citizensinitiativereview/files/2015/01/Assessment-of-the-2016-Oregon-CIR-zmzb9i.pdf
[9] Article à venir – Les référendums en Suisse
[10] Article à venir – Le modèle de l’Ostbelgien
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